Article de Paris Match sur l'internat d'excellence de Sourdun : un modèle à suivre....
http://www.parismatch.com/Actu-Match/Societe/Actu/Internat-d-excellence-la-deuxieme-chance-192862/

Ils vivent des situations difficiles, ils sont boursiers. Pour eux, l’éducation nationale a créé une école pilote : un pensionnat à l’ ancienne où l’on travaille

Claire Lefebvre - Paris Match


Les yeux pleins de sommeil, Cheikh Oumar a jeté sur son épaule un sac à dos chargé de cahiers et de livres de cours. Dans sa main droite, une petite sacoche de voyage. Le nécessaire pour la semaine. Il est 5 h 55 ce lundi, le jour qui se lève dessine des traînées rouges au-dessus des tours de la cité voisine de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne). Le collégien presse le pas. Il doit prendre un bus pour être à 7 h 30 devant le car qui le conduit chaque semaine à l’internat d’excellence de Sourdun, en Seine-et-Marne, à 70 kilomètres.

« C’est dur, mais je sais que c’est pour mon bien. Ma moyenne est passée de 8/20 à 12/20, ça motive ! Si j’étais resté dans mon ancien collège, j’aurais continué à régresser comme mes copains de là-bas », confie le jeune homme qui se voit déjà « monter un business dans le commerce international ». Aujourd’hui, Cheikh Oumar est délégué de classe et ne raterait pour rien au monde un cours d’histoire, sa matière préférée. Il a beau n’être qu’en 3e, il a déjà repéré une école de marketing à Paris. Pour financer ses études, il travaillera au McDo.

 

Ici, La discrimination positive est assumée, revendiquée

 

Un changement de comportement quasi miraculeux pour ses parents, des Sénégalais arrivés en France il y a six et deux ans. « L’année dernière, Cheikh Oumar séchait les cours, ses fréquentations n’étaient pas bonnes et ses notes s’en ressentaient. On ne savait plus quoi faire. Nous nous étions même renseignés sur des écoles privées, mais c’est au moins 200 euros par mois. Lorsque la principale de Cheikh Oumar nous a parlé de l’internat d’excellence de Sourdun, on s’est dit que c’était un don de Dieu ! Comme il est boursier, nous n’avons rien à débourser », raconte la maman, vendeuse de chaussures qui gère une famille de sept enfants. Dans la cité, la transformation du jeune homme ne passe pas inaperçue : « Les premiers mois, les voisins pensaient qu’il était en maison de redressement. Maintenant tout le monde veut y inscrire ses enfants ! » raconte le père.

 

Comme les cent treize autres élèves de l’internat, Cheikh Oumar a été sélectionné sur ses capacités scolaires et son appartenance à un milieu social ou familial difficile. « On a des gamins dans des situations différentes : des situations de divorce, de maltraitance, de mal-logement. Mais la majorité d’entre eux sont boursiers », explique le proviseur, Jean-François Bourdon. Certains, fraîchement débarqués dans l’Hexagone parlent à peine français, mais leurs notes en maths témoignent de leurs capacités. Seule une dizaine d’enfants paient les frais d’internat, entre 600 et 3 000 euros par an, et 75 % viennent d’une zone urbaine sensible. Une discrimination positive assumée : « Les revenus déterminent la réussite scolaire. Cet internat, c’est une solution au problème de l’ascenseur social tombé en panne. Ce n’est pas la seule, mais c’est un début. Et ça n’empêche pas de mettre en place d’autres choses », poursuit le proviseur.

 

L’objectif est énoncé sur le site Internet : sortir les élèves de ce qui peut perturber leur sérénité, leur offrir une égalité des chances. « Ici, pas de grève des transports, pas de professeurs absents, pas de frères et sœurs à surveiller quand maman travaille ou est malade... On leur offre de la régularité : les cours, les contrôles, les repas, parce que c’est de ça que les mômes ont besoin. »

 

Dans le bus qui les conduit vers Sourdun, Setta a le nez plongé dans son cahier de physique. « C’est pas facile d’être à la hauteur. Ici, c’est un cran au-dessus. Les élèves sont plus forts que dans mon ancien collège et certains travaillent jusqu’à 2 heures du matin ! C’est comme une petite compétition. » Malgré la pression qu’elle s’impose, l’adolescente n’a aucune envie de céder sa place. Le week-end, elle vit dans un 27 mètres carrés à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) avec son père, sa nouvelle compagne, leur bébé et, une semaine sur deux, ses quatre petits frères et sœurs.

 

Pour les occuper, la télévision est allumée presque en permanence. Alors, pas d’autre choix que de faire ses devoirs devant le petit écran, assise sur le lit ou sur le canapé, le cahier sur les genoux. Mais la jeune fille n’est pas du genre à se plaindre : « J’ai l’habitude, et mes frères et sœurs ont parfois besoin de moi pour leurs devoirs. Il faut bien que quelqu’un les aide. » Son père, un Malien qui a quitté l’école à 10 ans, avoue avoir du mal à tout suivre. Pour lui, envoyer son ­aînée à l’internat d’excellence est aussi un moyen de consacrer plus de temps à l’éducation des plus jeunes.

 

Des profs très motivés, un projet pédagogique fort

Il est 8 h 45. Le premier bus longe les hauts grillages qui entourent l’internat, puis passe l’entrée surveillée par des caméras. Des vestiges d’une autre époque : l’établissement est installé dans une ancienne caserne du 2e régiment de hussards, 50 hectares au milieu des champs. Les locaux ne sont pas encore adaptés : les salles de classe sont mal insonorisées, la piscine est désaffectée. Qu’importe, l’envie est là. Enseignants et surveillants ont été recrutés « sur leurs motivations et leur projet pédagogique ». Aristote, grand Black de 3e B, apprécie : « On n’est que vingt par classe. Les profs sont plus attentifs, prennent le temps de nous expliquer, nous demandent quinze fois par cours si on a bien compris. Certains nous ont même donné leur e-mail ou leur numéro de portable ! » Si l’on excepte quelques exclusions en début d’année, cet encadrement a déjà des effets positifs : « Les gamins sont plus polis avec les adultes, ils écoutent, sont plus disciplinés », note le proviseur. La plupart des pensionnaires militent pour le port de l’uniforme à la rentrée prochaine.

 

 

Pour Jean-François Bourdon, la raison d’un tel changement tient à l’insertion des élèves « au sein d’un projet éducatif global qui les prend en charge du lever au coucher, et leur apporte du développement personnel grâce à des activités sportives et culturelles ». Equitation, tir au pistolet, escrime, danse moderne, cuisine du monde, astronomie, 16 activités sont proposées. Les élèves ont droit à des sorties à l’Opéra de Paris et à des séances de cinéma tous les mardis, ainsi qu’à des voyages (Inde, Grèce, Angleterre...) correspondant à des projets pédagogiques. « On leur donne accès à des choses qu’ils n’ont pas pour des raisons de culture ou de moyens. On leur offre de l’ouverture, c’est essentiel », justifie le proviseur. Les journées sont longues : lever à 6 h 45, ­petit déjeuner à 7 h 30, cours de 8 à 16 heures, activités jusqu’à 18 heures, puis étude pendant une heure et dîner à 19 h 30. Les élèves regagnent leur chambre à 20 h 30. A 22 heures, extinction des feux. Un rythme pas facile à tenir pour ces adolescents qui aimeraient parfois « avoir plus de temps libre ».

 

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